Justice restaurative et cercles restauratifs, un nouveau paradigme en chemin

Ci-dessous les références de livres, vidéos, films, articles pour aller plus loin dans la compréhension de ce nouveau paradigme et aussi découvrir des expériences qui se vivent à travers le monde.

1. A l’échelle d’un pays :

Au Rwanda, 25 ans après le génocide des Tutsis, plusieurs expériences de justice réparatrice ont été menées avec succès et ont permis de renouer le dialogue et de faire acquérir une forme de maturité émotionnelle que le Rwanda a acquise.

Une émission télé du Centre d’Action Laïque avec aussi Damien Vandermeersch, magistrat et professeur de droit pénal à l’UC Louvain et l’Université Saint-Louis, Valérie Lebrun, directrice de la prison d’Ittre, et Salomé Van Billoen, criminologue qui, outre la référence au Rwanda, nous livrent leurs réflexions sur la justice restauratrice et l’importance de changer de paradigme en matière de droit pénal.

https://www.laicite.be/emission/et-si-on-osait-la-justice-restauratrice-2/ (vidéo de 11’)

Là où l’homme a montré ce qu’il savait faire de pire, il montre aujourd’hui ce qu’il peut faire de grand. Dans des villages au Rwanda, une expérience unique de justice est en train de naître, accompagnée par l’association Liwoha (Life Wounds Healing Association). Des communautés villageoises du district de Huye apprennent à faire face, ensemble, aux violences domestiques et sexuelles qui les minent, à travers un processus de justice restaurative.

Des paysans comme Jean-Marie, Agnès, Evariste, Drocella et d’autres ont franchi le pas et ont donné un espoir énorme à leur communauté. Chemin faisant, ils posent en réalité une question fondamentale et universelle : quel est le sens de la Justice et que peut-elle faire pour que les personnes retrouvent leur humanité et se reconstruisent en lien avec leur communauté ?

Un film à l’initiative de Salomé Van Billoen, criminologue :

« Les Cornes de la vache » – Amahembe Y’inka – documentaire – Ecrit et réalisé par François Bierry Belgique – 2019 – 52’

https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/64421

Bande annonce : https://vimeo.com/509446893

Au Brésil, en 2004, le ministère de la Justice a reçu une petite subvention du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) afin de permettre le lancement des premiers projets pilotes de Justice Restaurative (JR). Dès 2005, le processus de Cercles Restauratifs initié par Dominic Barter y joue un rôle essentiel.

Depuis, ces projets sont en expansion et de nouvelles initiatives essaiment à travers tout le pays. Ces projets ont attiré l’attention des médias nationaux, ont fait l’objet d’un feuilleton télé et ont remporté des prix pour l’innovation dans les domaines de la justice et de l’éducation. Les leçons tirées de ces expériences ont été partagées en Inde, en Iran et aux Philippines.

Voir le lien : Vers la paix et la justice au Brésil — CerclesRestauratifs.org

2. En matière de justice :

En Belgique, la surpopulation carcérale est l’une des plus importantes d’Europe. Cela coûte à l’état 55 000 euros par détenu par an. Le taux de récidive qui avoisine chez les 60%. Alors plutôt que d’enfermer les gens, ne serait-ce pas plus utile de les responsabiliser ? C’est le principe de la justice restauratrice.

L’émission TAM TAM un regard citoyen du 23/1/2023 visible via RTBF Auvio jusqu’au 24/1/2024 :

« Restaurer la Justice » – 2023 – 11’

https://auvio.rtbf.be/media/tamtam-2988781

En matière de justice pour les mineurs, dite « protectionnelle » en Belgique, la justice restauratrice est prévue par la loi. Comment cette forme de justice complémentaire ou alternative et tournée vers la restauration trouve-t-elle sa place dans le paysage judiciaire des mineurs ? Cette vidéo a été réalisée dans le cadre du projet européen AWAY qui vise à promouvoir la justice restauratrice et la déjudiciarisation pour les mineurs en conflit avec la loi.

« Justice restauratrice & mineurs d’âge : l’expérience belge » – 2018 – 12’

https://www.youtube.com/watch?v=7e5hl9IkAto

Le jésuite belge Philippe Landenne côtoie l’univers carcéral depuis plus de 40 ans, d’abord comme visiteur, ensuite comme aumônier de prison à temps plein durant plus de 30 ans. Témoin en première ligne de la détresse humaine qui se vit derrière les barreaux (il s’est même fait incarcérer volontairement 3 mois), il plaide pour une justice réparatrice, celle qui redonne vie et recrée des liens.

« J’étais en prison et vous m’avez visité » – 2018 – 55’

https://youtu.be/s1CGoexSA_4

En France et dans les pays francophones,

quelques films proposés en salle ou via internet cherchent à vulgariser la justice restaurative :

Bande annonce du film : https://www.youtube.com/watch?v=trTMEQBgZpE

  • « A égalité, une justice en chemin », documentaire de Fabrice Gand (2022 – VF 71’) Le film À ÉGALITÉ encourage les formes de justices qui permettent de donner, ou de redonner une place à chacun dans la société, quel que soit son parcours plus ou moins cabossé.
    Un projet, une vraie rencontre entre personnes détenues, étudiants de Sciences Po et agents pénitentiaires.

Une marche, des regards qui se croisent, des questions, des échanges et beaucoup d’émotions . Un chemin extérieur pour un chemin intérieur à vivre ensemble.

Voir le film (VF) : vimeo.com/709774888
Voir le film avec sous-titrages (EN, FR, IT, PL) : vimeo.com/712287779
Voir le Bonus 1 Légèreté Simplicité Fraternité (18 min) : vimeo.com/801914055

Voir le Bonus 2 La relation au cœur d’une justice restaurative (14 min) : vimeo.com/802075412

  • « Je ne te voyais pas », de François Kohler (Suisse, 2018, 80 min.). Plus focalisée sur l’acte commis que sur les besoins des parties, la justice pénale montre certaines limites. Ce film explore le difficile rapprochement entre victimes cherchant à se reconstruire et auteurs enclins à se responsabiliser. La justice restaurative les encourage à gérer eux-mêmes leurs conflits, les aide à se libérer de leur statut. Bande annonce du film : https://www.youtube.com/watch?v=SZ4xuHdHzEU
  • « En mille morceaux », de Véronique Mériadec (France, 2018, 1 h.22’). 1977, Éric Gaubert assassine Olivier, l’enfant de Nicole Parmentier. Vingt-cinq ans plus tard, cette mère à la vie brisée, donne rendez-vous au meurtrier de son fils qui vient de sortir de prison. Quel est le but de cette rencontre ? Une simple vengeance ou la volonté de comprendre ce qui a poussé cet homme à commettre l’irréparable ? Bande annonce du film : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19579266&cfilm=263339.html
  • « Une autre justice », de Chloé Henry-Biabaud et Isabelle Vayron de La Moureyre (Fr., 2016, 60 min). Léonard est enfermé à vie dans une prison de Floride pour avoir tué Patricia et Chris, il y a 18 ans. Plusieurs années après la sentence, Agnès, la mère et grand-mère des victimes, a eu besoin de comprendre et de guérir de cette tragédie : la justice lui interdisant de rencontrer Léonard, elle décide d’écrire au tueur de sa fille. Débute alors une longue correspondance qui donnera naissance à un livre. Ensemble ils se sont engagés dans la promotion de la justice restaurative, cette vision alternative de la justice, fondée sur le dialogue entre coupables et victimes et la prévention.

Cette autre justice cherche à répondre à ces questions : « quel dommage a été commis ? Quels besoins en résultent et pour quelles personnes ? Qui doit satisfaire ces besoins ? » plutôt qu’à celles préférées par le système actuel et conservateur : « quelle loi a été enfreinte ? Par qui ? Quelle est la meilleure punition ? »

Ces dix dernières années, Agnès a rencontré d’autres personnes engagées dans des initiatives similaires. Différents combats qui entrent ici en résonance pour interroger le sens et l’espoir que suscite la justice restaurative aux Etats-Unis, et dans le Monde.

http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/3330_1#CommentVisionner

Et un court article à propos de ce documentaire :
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2016/12/16/tv-une-autre-justice-ou-le-temps-de-la-reparation_5050384_1655027.html

Et en podcast :

A propos de la différence entre la justice pénale et la justice restaurative :

« C’est la différence entre le dialogue et le débat : quand on est au pénal, on est constamment en débat, et là, on peut dialoguer. » Une différence radicale selon Frédérique Giffard, Avocate au barreau de Paris, intervenante sur Radio France (podcast du 31 mai 2023).

Ci-dessous un tableau pour illustrer les principales différences entre les 2 systèmes :

Système PunitifSystème Restauratif
OrigineActe commis par un individu agresseur / victimeActe réalisé par une personne qui appartient à une communauté auteur / récepteur
StratégieChef d’inculpation, d’accusation et système de défense (voire déni)Expression mutuelle et auto-responsabilisation
LevierPeurÉlan de contribuer
Mise en œuvreSanction – application de la peine exclusion (au mieux réparation ayant un lien indirect avec l’origine)Projet d’action lien
Besoins nourrisSécurité, sens, réparationLien, compréhension, paix
RésultatCercle vicieux : récidive prise de conscience limitée méfiance escalade de la violenceCercle vertueux : évolution prise de conscience confiance diminution du niveau de tension

Source : https://cerclesrestauratifs.org/wiki/Justice_punitive_et_justice_restaurative

Des services de « jurisconfiance » parmi lesquels de faciliter des échanges collectifs au service de l’intégrité du collectif et de l’individuel, dont de la justice restauratrice, voilà ce que propose Jean-Yves Lagasse de Locht, formateur certifié belge, juriste lui-même, dans son projet Integrity Project.

3. En matière d’innovation sociale – la justice restaurative à l’échelle d’une communauté locale :

A Palma de Majorque, Son Gotleu, des témoignages sur l’expérience menée dans le cadre du Projet européen Comenius Regio : “Restorative Practices for Schools, families and Wider Communities” avec la participation de 6 établissements scolaires dont l’université, des services sociaux et de la police locale :

« La justice restaurative à l’échelle d’un quartier » vidéo publiée le 17/03/2016 – 20’

Au Sénégal, des cercles restauratifs ont été facilités aussi bien avec des surveillants et détenus des 2 prisons principales de Dakar, qu’avec des chefs de quartier ou une association contre les violences faites aux femmes.

Voir l’article : CNV et Cercles Restauratifs : des processus éducatifs et de réconciliation qui contribuent à des changements sociaux dans les communautés

4. Dans les écoles :

Les Cercles Restauratifs dans les écoles au Brésil, ont été présentés au journal télévisé « Globo Evening News », une vidéo de 2 min, en VOSTFR :

Cercles Restauratifs à l’école au Brésil — CerclesRestauratifs.org

L’article paru dans le Journal du Droit des Jeunes n° 357 de septembre 2016 sur « La concertation restaurative en groupe en milieu scolaire : un pas vers un meilleur climat ? » relate l’expérience de l’Institut Charles Gheude à Bruxelles où des concertations restauratives en groupe ont été mises en place. A retrouver dans http://www.jdj.be/jdj/archives.php

Cette même expérience est détaillée, combinée au descriptif d’outils pratiques assortis de fiches-outils dans le livre « Pratiquer la Concertation restaurative en groupe avec des jeunes

Dans son livre : « Notre façon d’être adulte fait-elle sens et envie pour les jeunes ? », Thomas d’Ansembourg mentionne les cercles restauratifs comme une alternative au système punitif, souvent le seul connu par les éducateurs pour garantir la sécurité et le respect de chacun.

(p. 184 à 186)

Depuis plus de 10 ans, dans des écoles en France (près de 300 établissements du primaire au lycée),  Max Tchung-Ming et Eric Verdier ont mis en place un programme Sentinelles et Référents© (pour les étudiants, professeurs, éducateurs, parents, …) visant à la prévention des violences et en particulier du harcèlement.

Avec des professeurs, des élèves, des chefs d’établissements, des inspecteurs, des assistants sociaux, ils relatent un éventail étendu de situations rencontrées et les façons dont elles ont été solutionnées. Eric Verdier, psychologue communautaire, apporte un éclairage théorique limpide et fouillé autant sur l’émergence des problématiques que sur leur résolution. Pour lui, la prise en charge individuelle n’est pas suffisante pour sortir de l’enfermement Auteur/Spectateur/Bouc Emissaire, on a besoin d’une communauté. L’ouverture viendra de personnes « rebelles » capables de prendre du recul par rapport à la situation et aux « normes » du groupe et de recréer du lien avec le Bouc Emissaire et des dispositifs mis en place pour une parole libérée.

« Violence et justice restaurative à l’école », Editions Dunod, 2021 – 401 pages

Au sujet du harcèlement, la justice restaurative est citée comme une piste d’action dans les vidéos proposées par l’association française Declic-CNV et Education dans ses « Minutes Declic » :

Changer de regard sur… Le harcèlement – Partie 1 : La vision de la Communication NonViolente

Changer de regard sur… Le harcèlement – Partie 2 : Comment agir ?

  5. Par rapport à la spécificité de l’apport de Dominic Barter et de Marshall Rosenberg :

Dominic Barter, qui a œuvré au développement des Cercles Restauratifs (CR) initialement au Brésil, considéré aujourd’hui par le Forum Européen sur la Justice Restaurative comme « consultant en conception de systèmes favorisant le dialogue et systèmes restauratifs » note : « Bien que j’aie lu sur le sujet de la Justice Restaurative au début des années 90, je n’avais pas d’autre inspiration que les principes de la CNV. »

Pendant une décennie et demie, Il a été étudiant et collègue de Marshall Rosenberg, son travail l’ayant profondément influencé.

Il a rencontré Marshall à peu près un an après avoir commencé les conversations qui ont donné naissance aux CR et l’a reçu trois fois durant les années 2000 pour lui montrer son travail dans les favelas. En 2005 notamment, ils ont visité une prison pour enfants et ont travaillé sur un conflit en cours entre un jeune détenu et un membre du personnel.

Dominic était président du conseil d’administration du Center for Nonviolent Communication (CNVC) au moment du décès de Marshall Rosenberg.

Pour Dominic Barter, l’influence la plus significative que la CNV a eu sur sa compréhension des CR a été de lui donner un vocabulaire et une structure conceptuelle pour ce qu’il observait de ce qui émergeait de ses expériences en matière de conflit. Les dynamiques revenant régulièrement étaient celles pour lesquelles la CNV avait des noms, des termes plus pratiques que ceux qu’il utilisait.

La CNV lui a aussi fourni une façon de comprendre pourquoi les CR fonctionnaient.

La CNV aide à rendre le pouvoir visible, et aide ceux qui facilitent un Cercle Restauratif (CR) à repérer la co-construction de sens et l’émergence d’un cercle, dans lequel le pouvoir est partagé. Parmi ceux qui facilitent, ceux qui connaissent la CNV trouvent que celle-ci apporte une façon aisée de suivre le conflit pendant qu’il se déroule et que le Cercle avance.

Les CR peuvent aussi être vus comme une application sociale des principes de la CNV.

Toutefois, ils ont commencé indépendamment.

Sa compréhension grandissante de la CNV a aussi influencé Dominic dans sa façon de partager les CR avec d’autres. De même, les CR ont progressivement changé et approfondi sa compréhension de la CNV, vis-à-vis de laquelle il éprouve beaucoup de gratitude.

Marshall Rosenberg traite de justice restaurative dans quelques ouvrages.

Il y consacre tout le chapitre « Vers une justice restauratrice du lien entre agresseurs et victimes » du livre « Dénouer les conflits par la Communication NonViolente » Editions Jouvence – 2006 – p.111 à 130.

Et dans « Parler de Paix dans un monde en conflit » Editions Jouvence – 2009, il énonce des idées en lien avec cette thématique ; les voici avec quelques extraits :

  • Faire le deuil plutôt que s’excuser pour l’auteur des faits : « Les excuses font partie du langage violent que nous sommes habitués à utiliser. Elles impliquent la notion de faute […] Si l’on se hait suffisamment, on a une chance d’être pardonné. Pourtant ce jeu d’autoflagellation ne fait pas véritablement de bien. La guérison provient plutôt d’un travail d’introspection lors duquel nous identifions les besoins que nous n’avons pas comblés par le comportement que nous regrettons. Dès que nous sommes en lien avec eux, la nature de notre souffrance se transforme. Elle devient plus naturelle et porteuse d’enseignements, plutôt que de nous amener à nous haïr ou à nous culpabiliser. ».  Il cite Sir Henry Taylor : « Celui qui ne prend pas le temps de faire le deuil ne prend pas le temps de réparer » (p. 88 à 92)
  • Passer d’une justice de rétribution à une justice de réparation, tout l’appareil légal étant « aux mains de gangs appelés gouvernements » (p. 132-133)
  • Pratiquer l’écoute empathique : « Se venger, tendre l’autre joue à son agresseur … la paix exige de nous bien plus que cela. Il n’y a pas de paix sans écoute empathique. Il n’y a pas de paix si nous ne sommes pas capables d’entendre les craintes et les aspirations insatisfaites d’autrui, y compris celles qui poussent certains à l’affrontement. » (p.147)
  • Se relier aux besoins universels : « ceux qui se relient aux besoins, même masqués par la colère, la frustration et la violence, vivent dans un monde différent . Celui que Rumi, poète et mystique soufi du XIIIe siècle évoque par ces mots :  » Il existe un lieu au-delà du bien et du mal c’est là que je vous donne rendez-vous.  » » (p.148)

Dans une démonstration faite à Londres le 13 juin 2002 du rôle de médiateur-facilitateur entre une victime et l’auteur des faits, il applique ces principes : Il s’agit d’un jeu de rôle dans lequel Marshall montre comment un médiateur peut utiliser la CNV pour aider tant la victime que le criminel, à atteindre un niveau où guérir de leurs douleurs respectives devient possible.

Retranscription de cette démonstration : https://fr.nvcwiki.com/index.php/Marshall_Rosenberg_et_la_justice_restaurative