J’ai découvert la facilitation de cercles restauratifs avec Dominic Barter et ai suivi plusieurs de ses sessions de formation quand il venait en France et en Suisse. Depuis 2010, je forme de nombreuses personnes à la facilitation de cercles restauratifs au Sénégal, en France et en Belgique. J’ai également animé des cercles dans différentes communautés du Sénégal et dans des organisations en Belgique. Après quelques explications plus théoriques sur les cercles restauratifs et ses liens avec la CNV, j’aimerais vous présenter certaines actions que j’ai menées ainsi que leurs enseignements.
Le processus de CNV de Marshall Rosenberg est un chemin de conscience et d’ouverture du cœur, une philosophie de vie qui nous invite à dépasser nos différences de culture, ethnie, religion, langue, niveau social ou d’étude, profession, âge. En effet, habituellement, nous sommes remplis de jugements, critiques, moqueries, interprétations, préjugés… En CNV, nous traduisons ces pensées « enfermantes », dans un langage vivant et universel : les sentiments et les besoins (valeurs) qui rassemblent tous les êtres humains. Cette écoute et compréhension mutuelle, sans chercher à obtenir quelque chose, permet l’émergence naturelle d’actions au service de la Vie, de solutions qui tiennent compte de toutes les personnes en présence. La CNV développe l’idée que les comportements violents, les délits, … sont des stratégies tragiques qui tentent désespérément de satisfaire des besoins universels et neutres (ni bons, ni mauvais). On distingue donc la personne et ses besoins, des actions qu’elle pose pour les satisfaire.
Les Cercles Restauratifs et la Justice Restauratrice selon le processus de Dominic Barter sont basés sur les principes de la CNV.
Les Cercles Restauratifs sont un processus communautaire qui peut s’apparenter aux traditions de la culture ancestrale africaine (l’arbre à palabres, les cercles de parole, …) Il y a cependant des différences : le principe d’équité (sexe, âge, statut social) qui permet un réel partage du pouvoir au sein du cercle puisque chaque participant a un droit de parole et de décision équivalent ainsi que l’absence de punition. La justice restauratrice ne met pas en cause les dispositions légales existantes. Cependant, elle présente l’intérêt de créer un système qui invite tout auteur de délit, à mesurer les conséquences de ses actes et à comprendre la souffrance de la personne qui a subi le préjudice. Le processus de dialogue permet une compréhension mutuelle entre individus, en invitant chacun à reconnaître sa responsabilité. Les participants cherchent alors ensemble des plans d’actions réparatrices.
Le processus, guidé par un facilitateur, se déroule en 4 étapes : l’instauration d’un système restauratif qui permet à tous les membres de la communauté (association, quartier, rue, famille, prison…) d’avoir accès aux cercles, les avant-cercles (entretiens individuels), le cercle avec son processus de dialogue et enfin l’après-cercle (évaluation). Dans le cercle vont se rencontrer celui qui a subi un dommage, le récepteur de l’acte ou plaignant, avec l’auteur de l’acte ainsi que des membres de la communauté qui peuvent soutenir la résolution du conflit. Cette pratique part du principe que nous commettons tous des erreurs et qu’elles sont une opportunité d’apprentissage. On n’y cherche pas de coupables mais des responsables. On ne veut donc pas punir mais éduquer, restaurer le lien entre les personnes et réparer le dommage subi.
Quelques partages de mon expérience
Depuis 2010 et pendant plusieurs années, avec le soutien de Yannick Arlabosse et Jean-Maurice Muret de l’association « Espérance en Casamance », j’ai formé des surveillants et des détenus dans la même formation, dans les 2 prisons principales de Dakar en Communication NonViolente et en facilitation de Cercles Restauratifs. Mon expérience me montre à quel point l’utilisation de ces processus permet aux détenus de retrouver de la dignité, leur propre pouvoir et l’espoir en un avenir meilleur. Ces formations permettent un partage authentique des émotions, une compréhension et un respect mutuels, un renforcement des liens et de la solidarité. Elles éveillent de la compassion, permettent la transformation de la colère/révolte et du désir de vengeance. La capacité d’empathie permet de sortir de la loi du plus fort, la conscience de l’impact des comportements sur soi-même et les autres et donne l’élan d’en changer. Cela crée une amélioration du climat social dans la détention. En effet, les détenus formés ont ensuite organisé une permanence d’écoute et de gestion des conflits qui limitait le recours au poste de police. On a pu constater que la violence entre détenus ainsi que les traitements humiliants et dégradants ont nettement diminué. Des ex-détenus formés ont aussi animé des cercles de réconciliation avec des familles de détenus qui les rejetaient, facilitant ainsi leur réinsertion.
On peut constater que de nombreux détenus, qui ne représentent pas de dangers vitaux pour la société, créent de la surpopulation dans les prisons. De plus, les bureaux des juges croulent sous les dossiers de délits mineurs. Ces auteurs sont souvent au départ les victimes d’un monde d’adultes qui n’ont pas pu leur apporter les soins dont ils avaient besoin pour s’épanouir. Il serait donc intéressant qu’il y ait, en amont, une implication des responsables du système judiciaire (procureurs, juges, …) dans ce type d’approche et que, au même titre que la médiation, de tels Cercles soient organisés avant (ou pendant) leur condamnation ou incarcération. En effet, des assistants de justice des Maisons de Justice, des travailleurs sociaux ou éducateurs des AEMO (Action éducative en milieu ouvert) pourraient être formés à la facilitation pour guider des cercles restauratifs et proposer les plans d’actions au juge. Ce type de rencontre amène une telle compréhension mutuelle qu’elle contribue à une réelle prise de conscience des conséquences de l’acte commis qui entraîne une baisse de récidive chez les auteurs ainsi qu’à l’élaboration de solutions globales qui peuvent faire baisser la criminalité.
Pour illustrer comment des plans d’action peuvent amener des changements de conscience et sociaux dans une communauté, j’aimerais vous partager une expérience qui m’a profondément touchée dans l’association contre les violences faites aux femmes et aux filles au Sénégal. Une petite fille de 11 ans avait été violée par son enseignant et était tombée enceinte. Elle était « promise » à un jeune homme qui attendait la fin de ses études avant de l’épouser. Cela signifiait pour elle le rejet de l’école, de la famille de son futur mari et de la société. Le plan d’action a été le suivant : Le futur mari, d’abord dans le rejet, a compris sa souffrance et la situation et accepté de prendre en charge l’enfant (lui et la mère de la fille ont demandé que l’auteur intervienne financièrement dans l’éducation de l’enfant), la jeune fille a pu continuer l’école jusqu’à la naissance de l’enfant. Pour ce faire, les 2 travailleuses sociales formées ont proposé de mettre sur pied des animations dans les classes, pour aider les enfants à déceler les comportements d’adultes qui peuvent conduire à des abus et expliquer que la jeune fille allait continuer l’école enceinte (+ débats). Le plan d’action prévoyait également que l’auteur participe aux animations dans les classes. Puis une institutrice a proposé de venir donner des cours à domicile à la jeune fille quand elle aurait à prendre soin de son enfant. Le maire et le commissaire de police de la localité, qui ont commencé par des propos « machos », se sont engagés à poursuivre l’auteur des faits qui avait fui et, suite à un nouveau cercle en sa présence pour l’en informer, à faire entériner les parties du plan d’action qui le concernaient par le juge. Au fur et à mesure, la jeune fille, d’abord recroquevillée de honte et incapable de parler, a fini le cercle redressée, car contrairement à des tas d’autres, elle n’a pas vécu la double peine de souffrir à la fois dans son corps et dans l’anéantissement de sa vie.
J’ai aussi formé des chefs de quartier. Ce sont généralement des personnes retraitées, à qui on confie ce rôle « honorifique », alors qu’ils n’ont aucune formation. Ils se sentent souvent démunis pour gérer des conflits de couple, de famille ou de voisinage. C’est souvent le droit d’ainesse qui tient lieu de justice (« tu es son fils, tu dois le respect à ton père, donc dis-lui pardon »), ce qui génère beaucoup de colère chez de nombreux jeunes qui veulent avoir leur mot à dire aujourd’hui. Comme il y avait aussi des travailleurs sociaux et des étudiants dans la formation, ils ont décidé de créer un projet intergénérationnel, où les jeunes allaient soutenir les ainés dans la création de systèmes et la gestion de cercles restauratifs. Ces étudiants ont aussi créé un système restauratif au sein de leur université.
En Belgique, j’anime des cercles dans des organisations, par exemple lors d’un conflit dans une équipe, entre 2 services ou entre la direction et une équipe. Cela permet de mettre en lumière des dysfonctionnements, des jeux de pouvoirs énergivores, des décision prises, qui parfois impactent négativement le bon fonctionnement d’un service. Même s’il peut y avoir des tensions intenses pendant la tenue des cercles, cela apporte à chaque fois une connexion d’humains à humains qui booste la motivation de chacun·e et redonne du sens. Cela permet de sortir des images d’ennemis, la compréhension de la réalité et des enjeux des uns et des autres, la conscience de la complémentarité de chacun·e au service des objectifs de l’organisation. Cela participe à des changements constructifs pour toutes les parties concernées.
Faciliter des cercles et former à la facilitation de cercles restauratifs contribue à mon rêve d’un monde qui développe des structures sociales et des organisations empreintes de respect et de compréhension mutuelle menant à la restauration des liens, au service de la paix et d’une vraie sécurité.
Vous souhaitez instaurer un système restauratif dans votre école, association, organisation… et vous former à la facilitation de Cercles Restauratifs en Belgique ?
Je vous invite à me contacter (annebruneaucnv@yahoo.fr – 0472/735.633).
Je proposerai en effet une formation de 6 jours sur ce thème dès que j’aurai suffisamment de personnes intéressées.
Formatrice en Communication NonViolente® certifiée du Center for NonViolent Communication.
Formation, Supervision d’équipes, Conférences – Accompagnement individuel (CNV et IFS), Médiation, Appreciative Inquiry, Facilitation de cercles restauratifs.