Privilège, pouvoir et changement social

Un entretien à propos de privilège, de pouvoir et de changement social

Un texte de Dian Killian, formatrice américaine du CNVC

Pour moi, chaque conversation que nous engageons renferme une forme de pouvoir – que celui-ci soit structurel (basé sur les lois, les institutions, la hiérarchie ou le statut social – c’est-à-dire un « privilège ») ou relationnel (basé sur l’expérience / les interactions antérieures dans la relation).

Le pouvoir structurel prend la forme d’institutions et de pratiques (ce que Foucault¹ a appelé « pouvoir ») et d’idées, de croyances, d’hypothèses, de préjugés et d’une idéologie qui soutiennent ou justifient le pouvoir structurel (ce que Foucault¹ a appelé « connaissance »). L’un ne peut pas fonctionner sans l’autre. L’idéologie (la pensée, les croyances) justifie et permet le système et les structures. Deux exemples rapides :

  • l’esclavage ou Jim Crow² auraient-ils pu se produire sans racisme ?
  • ou les femmes privées du droit de vote (et qui font encore face aujourd’hui à des violences physiques et sexuelles) sans sexisme et misogynie ?


Marshall a exploré ce lien entre langage / pensée (Connaissance) et structure / action (Pouvoir) dans l’interview que j’ai faite avec lui dans le magazine The Sun³.

En travaillant avec la police en Israël, Marshall a découvert en discutant avec elle que chaque fois qu’il y avait eu un acte de violence physique (une arme à feu avait été dégainée et/ou utilisée), elle avait d’abord fait l’objet d’un échange verbal. Cela montre un exemple simple du fait que les pensées mènent à l’action. Et ce micro-exemple est reproduit à tous les niveaux de notre société.

Si vous réfléchissez à cela, lorsque nous traitons « mal » quelqu’un, c’est parce que nous avons déjà un jugement ou une évaluation à son sujet. Nos pensées précèdent nos actions.

De même, au niveau de la société, les croyances et les préjugés renseignent comment les institutions sont structurées et fonctionnent – et la plupart d’entre elles, je suis triste de le dire, y compris l’éducation, les soins de santé et notre système de justice, sont basées sur le pouvoir-sur, qui implicitement comporte des jugements sur certaines personnes en les classant parmi les « autres ».

Que se passe-t-il en revanche quand :

  • le pouvoir est partagé ?
  • nous nous connectons avec la pleine humanité de l’autre personne ?
  • nous faisons des choix et agissons à partir d’un lieu où nous sommes pleinement connectés à nos besoins ?

C’est ce à quoi, finalement, la Communication NonViolente appelle et mène.

Et si nos relations changent au niveau intrapersonnel, elles vont aussi, en fin de compte, également avoir un impact sur les structures, les pratiques et les institutions de la société.


Dian Killian, formatrice CNV américaine – 17 08 2017

Article original à retrouver en anglais sur : Conversations about Power, Privilege, and Social Change

Notes de la traductrice Jacqueline De Picker

¹ Paul-Michel Foucault, philosophe français (1926-1984)

² Les lois Jim Crow de ségrégation raciale aux Etats Unis appliquées de 1877 à 1964

³ « Beyond Good & Evil : Marshall Rosenberg On Creating A Nonviolent Word » An interview by D. Killian – The Sun – February 2003 – https://www.thesunmagazine.org/issues/326/beyond-good-and-evil