Le voyage vers SOI

Avant, j’étais bipolaire…

Je m’identifiais à ces vagues émotionnelles qui me traversaient en essayant avec acharnement de les contenir, de garder le contrôle.

J’alternais entre les périodes où tout était extrême, rien ne suffisait, et celles où plus aucune expérience n’avait de sens et pendant lesquelles mon corps n’avait pas la moindre énergie. 

Je poussais mes limites jusqu’à ne plus savoir que j’en avais. J’anesthésiais ce qui était vivant en moi parce que c’était insoutenable. Et, en même temps, je cherchais à me sentir en vie, intensément. J’amoncelais les sorties, les rencontres, les dépenses, les sensations fortes dans l’espoir de ressentir quelque chose, n’importe quoi, pourvu que ce soit vibrant.

Puis venait la chute…

Enfermé, dans la pénombre, je ne voulais plus voir personne. J’étais rongé par la culpabilité de mes déboires. Les idées noires étaient comme un joyau que je chérissais, mais rien ne pouvait les mettre en lumière, rien ne brillait.

Entre les deux, bien entendu, vivait le petit Baptiste, déconnecté de ses émotions. Malheur à lui s’il venait à se sentir triste : un homme c’est fort, ça ne pleure pas. Et attention surtout de ne pas se fâcher, on est si malveillant quand on est en colère ! La joie, elle, se doit d’être raisonnable et contenue, ce n’est pas décent de la laisser jaillir sans cadre.

Ce Baptiste, néanmoins, percevait tout avec profondeur, mais n’en avait pas conscience. Ses émotions intenses étaient à la mesure de son élan de vie.

Mais ça, c’était avant.

Depuis, j’ai cheminé et je chemine encore.

Depuis, j’ai accepté de ressentir, d’abord par petites bouchées. Puis la faim est revenue et, progressivement, les émotions sont devenues digestes à nouveau.

La révolution a été de leur laisser leur place, de leur laisser beaucoup d’espace. D’accueillir ce qu’elles m’indiquaient, les besoins qu’elles souhaitaient tant nourrir. 

Et, progressivement, la médication n’était plus nécessaire. Plus elles se sentaient reçues, moins elles se faisaient pressantes, intenses, insistantes. J’ai alors mis un point d’honneur à cultiver l’espace dans lequel elles pouvaient librement circuler. La méditation est devenue une nécessité. 

J’ai ensuite consacré une énergie sans pareil à les comprendre, à réaliser ce qu’elles m’enseignaient. La Communication Non-Violente a alors révolutionné ma façon d’être en lien avec moi-même et les autres. Prendre la pleine responsabilité de ce que je vivais a été une révélation. J’ai pris conscience que derrière chaque émotion se cachait un besoin, nourri ou affamé. C’était le début du retour à la maison.

Toute mon énergie était alors consacrée à nourrir une certaine quiétude, une sérénité qui indiquait que tout allait bien, que j’étais dorénavant équilibré.

Il m’a fallu quitter l’étiquette de ce trouble bipolaire auquel je m’étais identifié pendant une longue période, et auquel je m’étais inconsciemment conformé, pour parvenir pleinement à me libérer de ces symptômes.

À ce moment-là, je n’avais pas compris que je quittais un diagnostic pour plonger dans une autodiscipline exigeante et rigide…

Après un sentier plus court, et grâce à un accompagnement d’une intelligence profondément sensible, j’ai rassemblé toutes les parts de mon cœur, recouvert des parts de mon âme.

Je progresse à présent dans la bienveillance et je nourris de mon mieux l’amour et l’acception, pour moi et tous ceux qui y sont ouverts.

Maintenant, je lâche. 

Je lâche les exigences excessives et les aspirations démesurées. Je lâche le bien paraître afin d’être authentique, dans le respect de mes élans et avec assertivité. Je respecte mon corps, je respecte mon rythme et, si j’en viens à m’oublier, j’accueille l’enseignement dans la bienveillance, comme je le ferais pour un très bon ami.

Je suis arrivé à un tournant dans ma vie et il m’est apparu essentiel de pouvoir partager ce que j’ai traversé, en espérant que cela puisse en inviter d’autres, enfermés dans un diagnostic, à progresser dans ce véritable voyage : le voyage vers SOI.

Merci de m’avoir lu.

Et merci à Sara Piette, à ma famille qui m’a soutenue sans faille et à tous ceux qui m’ont, ne serait-ce que par un geste anodin, permis de me retrouver.

Je vous souhaite un beau périple, en conscience de chaque pas.

Baptiste Arquin