Il y a plus de 10 ans, des difficultés relationnelles au travail m’ont poussée à rechercher comment mieux réagir pour faire face à des tensions, des conflits. A l’époque des désaccords, des divergences de points de vue mais aussi des non-dits m’ont pourri la vie et ont eu un impact également sur la personne avec qui je travaillais et l’ambiance de travail. J’ai suivi des formations mais cela ne m’a pas vraiment aidée concrètement à sortir de cette situation d’une façon gagnant/gagnant.
Ensuite, j’ai beaucoup lu, notamment des ouvrages sur le bouddhisme et j’y ai trouvé des notions fondamentales comme l’impermanence, l’interdépendance, la compassion en action… J’étais donc déjà nourrie de toute cette manière de penser quand j’ai lu « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) » de Marshall Rosenberg. Et là, j’ai vu comment mettre en pratique concrètement ces notions essentielles. L’approche était simple au niveau théorique, cela m’a tout de suite plu car la démarche est accessible à tout le monde.
J’ai décidé de suivre une formation et j’ai tout de suite réalisé combien le processus était utile en cas de conflit. A l’époque, j’ai proposé à tous mes collègues de se former car je voulais changer certaines pratiques professionnelles. J’ai transformé l’animation que j’avais créée pour sensibiliser sur les jugements afin de prévenir les conflits en abordant la notion de besoin dans les formations d’insertion dans lesquelles j’intervenais. Nous avions l’habitude de créer les règles de formation avec les stagiaires ; à partir de ce moment-là, je suis partie des besoins de chacun.e pour donner plus de sens à cette production collective. Bref, la CNV infusait un peu partout y compris dans les évaluations de compétences où la description de faits était centrale par exemple.
Depuis, je chemine et intègre petit à petit de façon plus fine ce changement de pensée et je vois que cela me rend la vie plus belle.
Quand quelque chose ne me va pas, je prends le temps de voir ce qui est touché chez moi et rien que ça c’est magique ! Ça m’aide à me recentrer, à quitter mes projections sur l’autre. Bon, ça peut prendre du temps mais je sais que prendre ce temps-là m’amène là où je veux aller, là où je peux me connecter à ma vulnérabilité et celle de la personne qui m’a stimulée. C’est juste « waouh » !
Comment ne pas avoir envie de transmettre cela ? de faire connaitre la richesse de ce processus ?
Je suis parfois peinée de voir que certaines personnes n’ont pas reçu les « bonnes » clés par rapport à la CNV. A l’école, on leur a parlé d’un processus en 4 étapes un peu simpliste. C’est vraiment dommage, c’est tellement plus que cela !
Actuellement, je travaille avec les personnes qui s’investissent dans le secteur social pour leur apporter des repères pour garder leur motivation. Je suis souvent touchée de voir les aspirations des personnes qui ont à cœur de prendre soin des autres et qui s’oublient et frôlent le burnout. Elles voient combien leur travail peut contribuer à rendre la vie des autres moins difficile et ont du mal de poser des limites pour se respecter elles-mêmes et continuer à s’investir dans leurs structures en étant d’accord avec leurs valeurs. Ce n’est vraiment pas facile.
Pour moi, c’est la pratique, l’expérimentation qui est le plus important. J’aimerais que des espaces de pratique soient mis en place sur les lieux de travail, dans les écoles, partout où il y a des groupes et par conséquent des conflits un jour ou l’autre.
J’ai l’impression que de plus en plus de personnes aspirent à vivre différemment de façon plus simple et harmonieuse avec ce qui les entoure. Je suis sûre que la CNV permettrait de soutenir les expérimentations autour de projets collaboratifs et égalitaires qui émergent actuellement. Pour réaliser cette transformation de société indispensable, selon moi, nous avons besoin de nous poser pour clarifier ce que nous souhaitons vivre. La CNV peut nous y aider à plusieurs titres, au niveau personnel et interpersonnel pour mettre en lumière nos aspirations et pacifier nos relations et également au niveau structurel pour éviter de reproduire à l’identique un mode de fonctionnement collectif que nous avons intégré malgré nous.
Je rêve d’une Rêv’olution Radicale au service du vivant.
Et mon premier acte de résistance est de ralentir pour être mieux connecté à soi et aux autres.
Valérie Brooms