La Communication NonViolente pour ne pas reproduire les schémas éducatifs destructeurs

Nous n’avons pas appris à être parents et la façon d’élever nos enfants est souvent le reflet de notre propre éducation ; nous reproduisons inconsciemment nos propres conditionnements. Mon expérience me montre que, si on n’a pas identifié et dépassé nos propres blessures éducatives, soit nous reproduisons les schémas éducatifs reçus (exigences, colères, culpabilisation, menaces, chantages, etc.) soit nous faisons l’inverse (ne pas mettre de limites claires parce que nous avons eu une éducation coercitive, mettre nos enfants « sous-cloche » parce que nous avons manqué de sécurité, etc.). A l’extrême, nous pouvons alors nous retrouver dans le « trop de limites et contraintes qui écrasent » ou le « laisser tout faire qui nous écrase ».

Comme thérapeute, je suis souvent amenée à accompagner la guérison de ces blessures de l’enfance qui ont généré honte et culpabilité, manque de confiance ou d’estime de soi, stratégies de manipulation, etc. qui empêchent de s’épanouir pleinement dans sa vie privée et professionnelle d’adulte.

La CNV est en effet un processus de déconditionnement de ces schémas comportementaux appris, qui permet alors d’agir en conscience à partir de nos aspirations profondes.

Fatigué.e de répéter sans arrêt les mêmes choses ? Difficile, voire impossible d’obtenir la collaboration de chacun.e ? Choqué.e par la façon dont votre enfant/ado vous parle ? Inquiet.e parce que votre enfant/ado ne vous parle pas/plus, est accroc à ses écrans, ne jure que par ses copain.e.s ?

La CNV donne les moyens de créer une qualité d’échange « en temps de paix », qui permet de retrouver plus facilement le lien et traverser les crises à tous les âges.

J’entends parfois la fausse croyance que la CNV est un langage de bisounours. Elle permet pourtant une position intermédiaire entre « imposer sa volonté » et « laisser tout faire », le juste équilibre entre l’écoute des besoins de l’autre et l’expression de nos propres besoins. La CNV est alors le ferment d’un dialogue constructif qui permet de se connaître vraiment, de se comprendre mutuellement et de trouver des solutions qui vont tendre vers un consensus respectueux des besoins de chacun.

Il est vrai que poser des limites claires et qui ont du sens (reliées à des valeurs) est fondateur d’une sécurité intérieure chez l’enfant. Mais encore faut-il poser des vrais « Non » plutôt que des « Oui/Non » ; je te dis « Non » mais je me culpabilise de te dire « Non ». Ces « Oui/Non » vont pousser l’enfant à discuter ou remettre en question ces limites.                                    

De plus, même si la psychologie en a abondamment montré les limitations, la fausse croyance ancestrale que la punition est la meilleure façon pour un enfant d’apprendre et d’être « bien éduqué » est toujours bien vivante. Elle est basée sur le fait que nous croyons fermement avoir raison alors que l’autre a tort et elle est la plupart du temps une réaction de colère qui cache une énorme impuissance. Or, si elle paraît efficace à court terme puisqu’elle soumet l’enfant/l’ado à la volonté de l’adulte, elle génère souvent peur, culpabilité, honte, colère, injustice et est rarement efficace à moyen et long terme. Par exemple, le comportement continue (de façon visible ou cachée) ou se transforme en un autre comportement, parfois plus dommageable encore, sans compter la rupture de lien, voire à terme des attitudes de compensation dans des addictions.

Au contraire, la CNV invite à s’offrir de l’Auto-Empathie avant de réagir puis d’aller écouter l’autre, pour comprendre ce qui l’a motivé à agir ainsi. Ensuite, partager notre point de vue et les conséquences négatives éventuelles que ce comportement génère. Cela apporte des prises de conscience et de la responsabilité, génératrices d’évolution et la cocréation, si nécessaire, d’une réparation.

Par rapport au manque de collaboration des enfants et le fait de répéter sans arrêt les mêmes choses, je constate que le parent fait habituellement des demandes qui sonnent comme des exigences. Cela attise donc la résistance en face ainsi que le fait que la communication, par manque de temps, ne finit plus qu’à tourner autour de la logistique familiale : « tu dois, il faut, tu devrais, etc. ». C’est aussi souvent une question de temporalité ; nous rentrons fatigués du travail mais nos enfants rentrent aussi fatigués de l’école où ils ont entendu toute la journée une communication basée sur l’impératif : « vous m’étudierez ça pour la semaine prochaine, notez … dans votre journal de classe, etc… ». Ils n’ont dans ce cas pas le choix de dire non sans conséquences, alors, pas étonnant qu’ils aient envie de dire « Non » à la maison, parce que c’est moins dangereux et ils le font souvent de façon subtile, en disant « Oui » pour avoir enfin la paix, sans respecter leur engagement par la suite.

Mais en amont, est-ce que nous prenons le temps de créer le lien avec notre enfant, de vivre un vrai partage de ce qui s’est passé dans la journée, d’offrir de l’Écoute Empathique si quelque chose a été difficile, avant de demander de ranger ceci ou de faire cela ? Et est-ce qu’on leur laisse le choix, notamment de quand ils auront peut-être plus d’élan pour le faire (après avoir goûté, fait leurs devoirs, s’être détendu un peu, etc.) ? Surtout, est-ce que nous prenons le temps régulièrement de dire et de montrer par cette attitude d’ouverture, à nos enfants, que nous les aimons, d’exprimer de la gratitude quand nos besoins sont rencontrés ?

Une bonne façon d’instaurer cette dynamique de dialogue, de partager nos moments de gratitude ou d’inconfort, de construire des projets de famille (WE, vacances, etc.) est d’instaurer un Conseil de famille. Un temps qui permet de stimuler la créativité et la co-création, d’encourager la prise de responsabilité, de construire la collaboration, d’éduquer à une citoyenneté responsable.

On le voit, élever nos enfants dans la conscience et les intentions bienveillantes de la CNV permet de casser ces «douces violences» banalisées qui se perpétuent de générations en générations. Elle ouvre un magnifique potentiel d’évolution vers un monde meilleur. 

Anne Bruneau

Formatrice certifiée du CNVC

www.annebruneau.be

Anne proposera une formation de 3 jours sur le thème de cet article les 7-8 et 14 novembre 2020 à Bruxelles : Nourrir le dialogue, créer un lien de confiance, un équilibre entre cadre clair et autonomie avec les enfants/adolescents ; notamment en passant de la punition à la réparation –