Du développement personnel au dépouillement personnel

Un texte un peu provocateur et aussi tout en douceur que nous offre Anne van Stappen

« Il me semble que, pour initier de vraies rencontres, le temps est venu pour chacun.e de s’alléger, de se dépouiller.

Bien sûr, il existe en communication des façons délicates de s’exprimer, façons qui humanisent les êtres et apaisent leurs relations. La Communication NonViolente® (CNV) en est une et je la trouve puissante et créatrice de réelles beautés !

Cela dit, si les clés qu’elle propose sont humanisantes, si l’usage de mots sincères et ciselés visant et soutenant la compréhension de chacun et la bienveillance pour tous est infiniment précieux, c’est l’Art du Silence tissé dans une juste présence qui, selon moi, est l’atout le plus fécond pour se rapprocher vraiment d’autrui.

Entre mes mots, entre mes phrases, puis-je, sans craindre le vide qui s’installe, poser quelques secondes d’espace vaste, silencieux, serein et habité seulement de ma présence attentive ?

Cet espace-là est en réalité si plein qu’il initie des transformations profondes, car c’est dans le silence vide-plein que nos cœurs se calment et que, dans nos cerveaux, se créent de nouvelles synapses, souvent source de plus d’humanité. On peut alors expérimenter de nouvelles compréhensions et croyances, et cela change peu à peu l’orientation de notre vie.

Il m’apparait de plus en plus que le silence et la présence, quand ils sont tissés à partir des fils de l’attention et de la compassion, parlent davantage de l’esprit de la CNV que mille mots, si justes et adaptés soient-ils.

Je me vois même, de temps en temps, devenir inconfortable lorsque certaines personnes, avec la meilleure intention du monde, m’abordent en reflétant à répétition ce que j’ai dit. Ou qu’elles essaient de formuler mes ressentis et  mes aspirations, même si je ne le leur ai pas demandé… J’ai alors l’impression d’entrer en religion CNV plus qu’en connexion, connexion pourtant si chère à Marshall Rosenberg.

Mais, soyons clairs, la CNV est un merveilleux moyen pour nous transformer, surtout intérieurement. Elle est magique pour nous aider à densifier notre être profond, celui où souffle l’Esprit. La CNV est pour moi un yoga de la relation, un yoga à pratiquer patiemment et silencieusement, un yoga auquel il est essentiel de s’apprivoiser, en en connaissant en profondeur les 4 étapes. En effet, celles-ci nous forgent peu à peu le cœur et la conscience et nous éveillent à la compréhension de la condition humaine commune à tous.  Du reste, j’ai souvent entendu Marshall Rosenberg dire qu’il ne nous faut aucune qualité pour commencer l’apprentissage de ce processus, car ces qualités viennent en marchant le chemin de la CNV.

Ainsi, je découvre de plus en plus que la CNV est un délicat fil d’or qui aiguise notre attention et notre perception de là où chaque personne se situe, humainement parlant. Ce n’est pas un langage de perroquet désaffecté du principal : un humain simplement présent à un autre.

Marshall disait aussi que l’empathie, c’est avant les mots !  Il est bon de se souvenir que l’empathie, c’est la Présence qu’on offre, en se mettant dans la posture qui consiste à avoir « infiniment de temps pendant cinq minutes… »

Mais, ce qui compte, c’est que ce soit un temps vide, vide de la « personne » qui veut des choses et a des vues sur comment une situation « devrait » évoluer… 

Quand je me laisse être vide, vide de mental, de projets, d’attentes, de jugements, d’envies, d’impatience, de solutions, de conseils, de résultats escomptés, d’idées sur ce qui est ou devrait être, en bref, quand j’habite ces instants de ma présence, pleine de soin mais vide de moi, j’incarne la CNV telle que Marshall la transmettait.

Je termine ces réflexions en vous livrant deux questions que j’aime déposer dans le creuset de mon cœur. Selon moi, elles parlent vraiment de prendre soin.

  1. Est-ce que je choisis d’être simplement là, attentif, disponible, généreux de ma présence pleine, parce que j’ai fait le vide à l’intérieur de moi ? Et parce que j’ai une confiance absolue dans le fait que chaque être humain, quand il se sent rejoint par un autre qui lui offre sa pleine présence, peut, par lui-même, connecter sa sagesse et sa force profonde.
  2. Qui parle en moi ? Est-ce vraiment un être qui, au sein de ses relations, accepte de rejoindre l’éternité du vide, pour un ou plusieurs instants ?

Il n’existe aucun être que tu puisses ne pas aimer quand tu le connais depuis ton cœur. Et, connaître quelqu’un depuis son cœur, c’est tenter de se relier silencieusement à ses vécus et aspirations profondes.« 

Anne van Stappen, janvier 2023