Après les attaques sur les tours du World Trade Center à New-York et sur le Pentagone, des millions de gens sur terre ressentent à la fois une douleur et un chagrin profonds. Ils sont outrés, effrayés, impuissants et extrêmement vulnérables. Beaucoup éprouvent un intense besoin de se sentir à nouveau en sécurité. Ils aspirent à un monde dans lequel vivre en paix. D’autres ont un immense désir de prendre leur revanche. Ils rêvent de vengeance et de châtiment.
Les Etats-Unis ont estimé qu’il fallait agir, et d’autres pays ont fait le choix de se rallier à eux. Certaines personnes veulent que le but de ces actions soit la paix et la sécurité. D’autres tiennent à ce que ces actions se focalisent sur des représailles et des punitions. Ceci représente un réel problème : si nos dirigeants fondent leurs actions sur la revanche et la punition, je pense qu’ils ne pourront atteindre leur objectif d’un monde dans lequel sécurité et paix régneront durablement.
Pourquoi est-ce que j’affirme cela ?
Ces 35 dernières années, mes collègues et moi-même avons travaillé à travers le monde pour aider à résoudre des conflits entre gangs, groupes ethniques, tribus et régions en guerre. Nous avons constaté maintes fois que, d’une part, les actions motivées par le désir de punir engendrent des mesures de représailles de la part de ceux que l’on punit et, d’autre part, que des actes motivés par un désir de paix engendrent des actes de paix. Dans les deux cas, ces actes sont à l’origine de cycles pouvant durer des années, des générations, des siècles.
Moi-même et d’autres membres de mon organisation, avons travaillé avec des personnes combattantes au Rwanda, au Burundi, en Sierra Leone, au Nigéria, en Afrique du Sud, en Serbie, en Croatie, en Israël et en Palestine. Notre expérience nous a enseigné que l’on peut aboutir à une paix et à une sécurité véritables, même si tout laisse croire le contraire, à la condition que les gens soient capables de percevoir « l’humanité » de ceux qui les attaquent. Et ceci exige de nous quelque chose de bien plus difficile à réaliser que de tendre l’autre joue; il s’agit de donner de l’empathie pour les peurs, les blessures, les rages et les besoins humains inassouvis qui sous-tendent les attaques en question.
Notre travail a pour but d’aider les gens à apprendre à être empathiques avec les besoins et les préoccupations d’autrui et à commencer à percevoir que « l’autre camp » est tout simplement un groupe d’êtres humains qui tentent de se protéger et de satisfaire leurs besoins. Nous avons vu la haine et le désir de punir se transformer en espoir – quand les gens recevaient de l’empathie de la part de ceux-là mêmes qui avaient assassiné leurs familles. Nous avons vu les auteurs d’actes violents manifester des regrets sincères à propos de ce qu’ils avaient fait – après avoir reçu de l’empathie de ceux qui avaient été violentés par leurs actions. Nous avons vu, de part et d’autre, des êtres humains lâcher leur désir de se punir et, ensuite, œuvrer ensemble pour faire en sorte que les besoins de tous soient comblés. Nous avons vu d’anciens ennemis créer ensemble des programmes ayant pour but de réparer les dégâts qu’ils s’étaient infligés et d’assurer la sécurité des générations à venir.
Le gouvernement des Etats-Unis a déclaré qu’il avait l’intention de préserver le monde d’actes de violence, tels que ceux de New-York et de Washington, et aussi de protéger le monde de ceux qui les commettent. D’autres gouvernements se sont joints à lui.
Si les pays de cette coalition ont pour objectif la punition et les représailles, chaque action qu’ils entreprendront sera conditionnée par la réponse à la question suivante : « Cette action nous rapproche-t-elle de la punition de ceux qui portent la responsabilité de la douleur que nous endurons ? »
Si, en revanche, leur objectif est la paix et la sécurité dans le monde, chaque action entreprise sera déterminée par la réponse à une question bien différente : « Cette action nous rapproche-t-elle de l’avènement d’une paix et d’une sécurité durables dans le monde ? » J’ai l’espoir fervent que nos dirigeants ne chercheront pas à punir, mais se concentreront plutôt sur l’établissement de la paix et la sécurité. Pour établir la sécurité à court terme, il sera nécessaire pour nous de nous protéger d’autres menaces. Ceci peut nécessiter des actions faisant appel à ce que je nomme « l’usage protecteur de la force ».
Il se peut que nous devions capturer et emprisonner ceux qui ont perpétré ces crimes, afin qu’ils ne puissent plus nous attaquer. Et peut-être devrons-nous même tuer certains d’entre eux, si nous n’arrivons pas à contrecarrer leurs actes d’une autre manière. Mais, à long terme, il est également essentiel de commencer à établir dans le monde une paix et une sécurité durables. Nos dirigeants doivent établir des relations qui donneront naissance à une collaboration authentique et permanente entre les pays. Ils se doivent de commencer maintenant à changer les conditions qui donnent naissance à des comportements violents. Les pays les plus riches doivent œuvrer ensemble pour la création d’un monde où tous auront accès aux ressources les plus fondamentales au bénéfice de la vie et recevront protection pour leurs droits – un monde où chacun sera libre et en sécurité, tout en ayant la possibilité de se créer une vie satisfaisante.
S’il existe une réponse au vaste problème qui se pose à nous, elle consiste à chercher des solutions qui répondent aux besoins de toutes les personnes concernées. Ceci n’est pas un idéalisme utopique. J’ai vu de telles solutions être créées – maintes et maintes fois – de par le monde.