En 2019, le burn-out a fait son entrée dans le catalogue CIM, le système international de classification des maladies. Cette année-là, j’étais justement en train de combattre ce fléau sans pour autant admettre que j’en étais atteinte. C’est sans aide médicale et avec fierté qu’en seulement quelques semaines je me suis relevée, me disant que je n’étais pas passée loin d’un épuisement total et que dorénavant j’allais faire plus attention et mieux prendre soin de moi. J’étais persuadée que cela ne m’arriverait plus.
C’est dans cet état d’esprit que j’ai continué ma vie de femme active, jonglant entre un travail contenant de plus en plus de responsabilités, trois enfants pour lesquels je souhaitais être une mère présente, un mari avec qui j’aime passer des moments de qualité et un foyer super organisé. Mes journées étaient millimétrées, efficaces et optimisées. J’étais invincible et infatigable. Un magnifique hamster qui tourne de plus en plus vite dans sa roue, passant d’une obligation à l’autre avec comme seul mot d’ordre productivité et provoquant la fascination de son entourage.
Quand les premiers signes d’épuisement sont réapparus fin 2023, je les ai minimisés. Quand mes proches ont commencé à s’inquiéter, je les ai rassurés. Je suis quelqu’un qui gère quelles que soient les circonstances. Je profitais de mes insomnies pour cocher des cases sur ma to do list, j’ignorais mon irritabilité, mon hypersensibilité et mes pertes de mémoire, je me félicitais de prendre le temps d’aller voir un physio pour tenter de diminuer mes douleurs chroniques, j’étais un roc et rien ne pouvait me faire plier. Et surtout, il ne me restait plus que quelques semaines à tenir. J’avais prévu de prendre un mois de vacances en avril pour me reposer donc tout était sous contrôle.
Pourtant, avant l’arrivée du printemps, mon corps a dit stop. Ma tête avait beau être dure comme un diamant, mon corps a eu le dernier mot. Il est probablement difficile pour ceux qui n’ont pas vécu l’épuisement de se représenter cet état. Être tellement fatigué que sortir de son lit pour se traîner sur le canapé devient un parcours du combattant. Se sentir vide, inutile et coupable. Avoir tout misé sur le “faire” au point d’en oublier ce que c’est que d’être. Comment en étais-je arrivée là? Logiquement, à force de tirer sur la corde, elle finit par casser. Je sentais bien que le problème était profond.
Céline (48 ans)
Cela faisait plusieurs mois que je m’étais inscrite pour assister au module 1 de la CNV. Vu mon état, j’ai hésité à annuler, d’autant plus que je me considère comme quelqu’un qui arrive à s’exprimer sans violence et que ma motivation pour découvrir cette méthode était essentiellement de la curiosité. Cependant, les formateurs m’ont encouragé à tout de même participer, m’assurant que l’atmosphère bienveillante me ferait du bien et que j’aurais l’espace de m’écouter. J’étais loin d’imaginer que lors de cette formation j’allais faire une découverte bouleversante et essentielle à ma guérison véritable.
Afin de nous introduire à la communication non-violente, les formateurs nous ont dessiné le tableau suivant :
Il met en lumière que notre comportement a tendance à être lié à la priorité que l’on met sur un résultat, une relation ou aucun des deux. Et cela fonctionne aussi bien sur les autres que sur soi. En regardant ce schéma j’ai compris avec évidence que cela faisait des années que j’étais un requin avec moi-même, me focalisant uniquement sur le résultat. J’en étais arrivée au point d’être coupée de ma relation avec mon corps, n’écoutant plus que ma tête. Et mon corps s’est accommodé, laissant ma tête le détruire petit à petit, jusqu’à l’épuisement total. J’ai été troublée de réaliser la violence que je m’étais infligée et me suis promise dorénavant de chercher la coopération entre ma tête, mon corps et mon cœur.
Avec naïveté, j’ai pensé que comme 5 ans auparavant il me faudrait peu de temps pour me relever de mon burn-out. C’était sans compter sur le fait que quand on est pris dans un éboulement, la chute continue même si on souhaite qu’elle s’arrête. J’ai donc malgré moi continué de descendre pour rejoindre les abîmes. Et quand enfin j’ai touché le fond, impossible de remonter. Malgré mon arrêt de travail, je n’arrivais pas à remplir mon réservoir. Il faut dire que non seulement je continuais à gérer ma maison et ma famille, mais surtout j’ai senti que mon corps et mon cœur n’avaient plus confiance en ma tête. Il fallait que je restaure leurs relations. Et que j’accepte pour cela de me faire aider.
Grâce au soutien de mon médecin, de ma famille et de mes amis, je me suis laissée convaincre de tout lâcher et de partir plusieurs semaines dans une clinique de réhabilitation. Il s’est avéré que c’était une décision salvatrice car là-bas j’ai vécu une renaissance. A travers différentes thérapies, j’ai identifié les stratégies que j’avais utilisées pour nourrir mes besoins. Il m’est par exemple apparu que mon besoin de réalisation était trop basé sur ce que pensaient les autres, ne me permettant pas de prendre suffisamment ma part de responsabilité. J’ai aussi vu avec clarté le déséquilibre entre certains besoins que je privilégiais et d’autres que je négligeais. Tandis que je mettais beaucoup d’énergie à nourrir mes besoins d’accomplissement, ceux du bien être étaient mis en sourdine. La solution est ainsi apparue avec certitude. Pour aller mieux de façon durable, il me suffisait de remplacer mes stratégies destructrices et équilibrer mes besoins. J’ai ainsi appris à prendre soin de moi, à m’écouter, à faire des pauses, à vivre.
Avant mon burn-out, tout en tournant à toute vitesse dans ma roue, je pensais que j’étais heureuse. D’ailleurs à la question “comment vas-tu” je répondais systématiquement “tout va bien ! ». En réalité, j’étais déconnectée de moi-même et de certains de mes besoins. Aujourd’hui je ne réponds pas toujours que ça va bien, mais si je le dis, c’est que c’est vrai. Je vis avec plus de sincérité et je fais des choix éclairés. Je me sens sereine, je suis devenue maîtresse de ma vie et j’ai le sentiment que je suis mieux armée pour ne plus me laisser mettre à terre. Quand une épreuve arrive, et je peux dire que ces derniers temps je n’ai pas été épargnée, j’observe les circonstances puis j’arrive mieux à traverser en conscience les émotions qui en découlent, simplement et sans jugement.
Aidée par la CNV, j’ai d’avantage pu mettre des mots sur ce que je ressentais et ce qui me manquait. Peu à peu, j’apprends à respecter toutes les parts de moi et à me faire des demandes. Je découvre la puissance de la gratitude au quotidien. En fin de compte, je vois et je ressens toute la beauté d’obtenir un joli alignement entre ma tête, mon corps et mon cœur !
Céline (48 ans)