Les dépendances et addictions sous l’angle de la compassion

Pourquoi ce sujet m’intéresse tellement ? Parce qu’en réalité, il concerne tout le monde !

Nous sommes tous dépendants de quelque chose… Certains consomment de l’alcool, des drogues, de la nourriture. D’autres travaillent.

Certains d’entre nous sont dépendants des autres, de leur amour, leur approbation, leur attention.

Certains sont dépendants de croyances, de dogmes, de religions, de gourous, de figures d’autorité. Peut-être que ces personnes nous sauveront de nous-mêmes.

D’autres encore deviennent dépendants de leurs propres ruminations.

Au nom de l’amour, la connexion, la sécurité, l’acceptation.

L’intensité de l’attachement à une substance, une personne, un comportement quel qu’il soit est à la mesure de ce que je recherche le plus au monde : me sentir aimée, appartenir, acceptée, exister !

Est-ce donc cela que je tente de satisfaire lorsque je me laisse aller à une assiette de plus, un verre de plus, un épisode de plus, un achat en plus, quelques km de course en plus, encore une formation, … et qu’en moi, ça murmure « encore un petit dernier, allez encore ».

Et d’un coup, ce qui était a priori une habitude joyeuse, épanouissante qui comble mes besoins essentiels tels que manger, boire, bouger, apprendre et me divertir, se transforme en des actes qui mènent à de la souffrance, de la culpabilité et de la honte … 

C’est l’instant précis où mon mental s’emballe et je n’ai plus le choix, je ne peux plus m’arrêter, je me vois basculer d’un monde où la nourriture, l’art, le jeu, les gens sont sources d’épanouissement et de liberté à un monde où tout cela devient des stratégies que j’enclenche dans le but de compenser un manque et éviter de souffrir.

L’addiction (dans le sens pur du terme) vient du terme Addictus. À l’époque romaine, un addictus était une personne asservie à une autre personne parce qu’elle lui devait de l’argent ou une dette qu’elle ne pouvait pas rembourser.  Il s’agit donc d’un esclave destiné à travailler jusqu’à sa mort pour une autre personne. Cet esclave est par essence privé d’un besoin fondamental : la liberté de choisir. Un esclave n’a pas le choix.

« Ne donnons jamais aux autres ou aux institutions qui nous gouvernent le pouvoir de nous soumettre ou de nous rebeller ». Marshall Rosenberg.

En d’autres termes : Lorsque je suis amenée à croire que le monde fonctionne en termes binaires de bien-mal, juste-faux, bon-mauvais, et qu’il me faut l’accepter.  Lorsque je suis contrariée, le seul pouvoir qui me reste est de me soumettre (pour éviter la souffrance de perdre les autres) ou de me rebeller (pour éviter la souffrance de me perdre moi-même).

La CNV nous offre une troisième voie : celle où les êtres humains sont en lien avec leurs propres aspirations et agissent en conscience, avec l’intention de prendre en compte les besoins de tous. Il n’y a pas de bon ou de mauvais choix mais seulement des actions qui servent ou non des besoins.

La CNV nous invite à nous laisser traverser pleinement par nos émotions et ainsi trouver le chemin de nos aspirations profondes.

Quand certaines émotions qui me traversent sont trop intenses, je développe toutes sortes de stratégies pour éviter de contacter la souffrance, la culpabilité, la honte au fond de moi. Une part de moi – mon enfant intérieur – a peur, se sent prise au piège et cherche par tous les moyens de se sortir de cet enfer. En l’occurrence, si quand j’étais petite, je souffrais de solitude, je cherche désespérément de la compagnie, une personne sécure, et tout en moi fait en sorte d’éviter la souffrance d’être seule. La nourriture, la télé, la compagnie de personnes sont des stratégies qui me permettent alors de combler le vide et ce n’est plus par choix que je m’entoure de personnes ou que je me nourris, mais pour compenser un manque qui m’évitera pendant un court instant de souffrir. À répéter autant de fois que la situation se présente.

On me demande souvent « Comment peut-on guérir d’une addiction ?  » Si je comprends tellement l’envie de stopper certaines habitudes, « to kick the habit » (qui en anglais signifie se débarrasser d’une habitude), je préfère consacrer mon énergie à retrouver mon pouvoir, et me remettre en lien avec mes aspirations profondes ce qui qui passe souvent par un accompagnement de mes traumas.

L’accompagnement que propose la CNV vise à embrasser toutes les parts de moi – celle qui agit par habitude, celle qui a peur et celle qui me juge -, de leur offrir un espace d’écoute profonde, de leur témoigner à chacune tout l’amour, la compréhension et l’admiration que j’ai pour ce qu’elles vivent et toutes les belles raisons pour lesquelles elles optent pour telle ou telle stratégie. Cela demande du temps.

J’ai constaté que la part la plus compliquée (en ce qui me concerne) est celle que j’appellerais ma juge intérieure qui, semble-t-il, a besoin d’énormément d’écoute et d’acceptation.

C’est un point de départ et il peut y en avoir d’autres. C’est le début d’un chemin d’acceptation de ces différentes parts de soi qui jusque là vivaient un conflit intérieur et qui permet à un changement de s’opérer.  Et j’aimerais à nouveau citer Marshall qui nous rappelait que  » l’être humain ne modifie son comportement ou sa stratégie que s’il peut la remplacer par une meilleure ». C’est aussi « simple » que cela.

Plusieurs approches contemporaines envisagent d’aborder le phénomène des dépendances et addictions sous l’angle de la compassion. C’est le cas de la Communication NonViolente qui nous invite à retrouver le passage qui nous donne accès à notre élan de vie, à la liberté de faire des choix en conscience, en lien avec nos aspirations profondes.

Farrah Carlier

Formatrice en Communication NonViolente certifiée du CNVC

Son site web: www.giraffarrah.eu