Attitude CNV et monde du soin

L’attitude CNV : pourquoi et comment l’utiliser, afin de « soigner » le monde du soin… 

Un article écrit par le Docteur Anne van Stappen

La Communication NonViolente® (CNV) promeut une façon de s’exprimer et d’écouter autrui qui aide à dénouer les tensions et qui soigne les relations en favorisant le goût pour l’harmonie et pour la coopération.

La CNV est une façon de communiquer qui nous propose des moyens concrets pour aborder nos relations tout en restant en accord avec notre humanité.

Ainsi, plutôt que de penser et de nous exprimer en termes de jugements, plaintes, reproches, attaques…, elle nous invite à mettre, en toute situation, l’attention sur les vécus (= sentiments, émotions et sensations) et les besoins (= aspirations, valeurs, rêves) qui habitent chaque être humain. Et ce, que l’on soit patient ou soignant.

Pour ce faire, elle nous propose d’une part de nous exprimer avec clarté et honnêteté, sans agresser ou culpabiliser, moraliser, menacer autrui et d’autre part d’écouter notre interlocuteur de façon attentive, neutre, ouverte et respectueuse.

La qualité de la relation qui en découle dynamise la confiance mutuelle, ce qui apaise les conflits et stimule la créativité et le goût pour la collaboration. En effet, dès qu’on instaure entre les êtres humains un climat de confiance et d’équité, cela les pousse à donner le meilleur d’eux-mêmes et à souhaiter s’engager dans un dialogue pacifique, en vue de trouver des solutions satisfaisantes pour tous.

La CNV constitue un moyen efficace pour contribuer à la qualité de vie des patients et du personnel soignant parce que :

En ce qui concerne les patients :

Un patient écouté et soutenu dans sa souffrance et sa maladie, tout en étant informé et concerté par rapport à ses traitements, se prend mieux en main et guérit plus vite que s’il ne peut pas exprimer son avis par rapport à son vécu ou qu’il ne reçoit pas cette humanité.

En ce qui concerne le personnel médical :

Elle permet d’humaniser les conditions de travail des soins de santé, notamment en aidant chacun à :

  • Se ressourcer en situation de stress et/ou de travail intense
  • Prendre soin de soi et de l’autre (sans glisser du rôle de soignant vers celui de « soi-niant » avec comme conséquences la décompensation, la compensation, les conflits, les burn-out etc.)
  • Dire les choses le plus clairement, le plus complètement et le plus calmement possible
  • Exprimer un inconfort (au lieu de le faire sentir…)
  • Faire des demandes (au lieu de râler, d’exiger ou de démissionner)
  • Donner des feedbacks à des collègues, annoncer de mauvaises nouvelles…

En CNV, il y a 4  évidences de base, à considérer tout au long de nos interactions. Ces évidences sont indispensables à intégrer dans notre vie professionnelle quotidienne, si nous voulons co-créer un monde de soins pacifiques, dans lequel les soignants se soignent aussi, et ce, afin d’être résilient et heureux dans la durée :

  1. L’importance de nous relier à notre intention : voulons-nous établir une qualité de connexion et de coopération qui favorise la satisfaction des besoins de chacun, ou bien cherchons-nous, plus ou moins consciemment, à imposer notre point de vue, à culpabiliser, à changer l’autre ou à prouver que nous avons raison… ?
  2. La conscience qu’il y a une chose qui désamorce les tensions et l’agressivité : c’est quand on comprend les êtres humains au niveau de ce qui est le plus important pour eux, c’est-à-dire : ce qu’ils ressentent (vécus) et ce qui donne un sens à leur vie (souhaits, aspirations, valeurs, … en un mot, et ce n’est pas le mot idéal : besoins). Ainsi, lors de conflits ou de relations bloquées, quand quelqu’un reçoit de la compréhension pour ce qu’il vit (ce qui n’implique pas qu’on soit d’accord avec lui !) et pour ses besoins (ce qui ne veut pas dire qu’on va les assouvir !), quelque chose de très subtil se produit en lui : ses défenses s’abaissent et, petit à petit, il s’ouvre à nouveau à la relation et à la recherche éventuelle de solutions créatives. En effet, souvent quelqu’un se fige sur ses positions parce qu’il a besoin de compréhension pour les besoins qui lui font maintenir cette position.
  3. L’évidence qu’un sentiment ne tombe pas du ciel : on n’est pas triste, en colère ou heureux par hasard ; un sentiment découle toujours d’un besoin.

Si vous éprouvez un sentiment à connotation agréable ou positive, cela signale que vous avez un ou des besoin(s) comblé(s).

Exemple : si on vous dit que, grâce à votre travail, l’état d’un patient s’est amélioré, vous serez content(e) parce que votre besoin de contribuer à la santé, votre besoin de sens est rencontré.

Si vous éprouvez un sentiment à connotation désagréable ou négative, c’est que vous avez un ou des besoin(s) non comblé(s)

Exemple : si, malgré vos demandes réitérées, vous n’obtenez pas de rendez-vous avec un responsable à qui vous voulez vous présenter (en tant que soignant récemment engagé), vous serez frustré(e) car votre besoin de comprendre pourquoi ce rendez-vous est régulièrement postposé n’est pas satisfait et peut-être vous sentirez-vous inconfortable parce que vous auriez besoin d’être intégré dans l’équipe des soignants .

4. Le bon sens de se souvenir au quotidien qu’en communication, la vraie sagesse, c’est d’entrer en relation avec l’autre à partir d’un espace de respect de soi, de conscience de son propre vécu. Ce qui se réalise via l’auto-empathie.

Concrètement, en CNV, on envisage 3 étapes de communication :

Avec soi, via l’écoute de soi ou auto-empathie

Les médecins, les cadres et le personnel hospitalier en général devraient observer à quel point ils nient leur besoin de rythme humain.

L’auto-empathie est un moment que l’on prend pour se tourner vers l’intérieur de soi-même et pour accueillir ce qui se passe en soi. Pour cela, on se pose tout simplement deux questions : « Comment est-ce que je me sens et pourquoi ? »

L’auto-empathie est la capacité à être conscient de son propre vécu quel que soit le contexte : un patient qui souffre, un collègue qui s’énerve, un travail complexe…

C’est essentiel de prendre l’habitude d’être conscient de son propre vécu parce que :

  1. Même si on ne peut rien faire par rapport à une situation, le simple fait de mettre des mots sur notre vécu soulage déjà notre tension intérieure.
  2. Si l’on prend le temps de s’interroger sur ses besoins, on aura davantage de clarté par rapport à ce qu’on veut et donc par rapport aux demandes qu’on pourrait faire pour aller à la rencontre de ses besoins.
  3. Si l’on est plus conscient de son niveau émotionnel, on sera plus alerte et plus disponible pour l’extérieur, ou bien on réalisera à temps qu’on ne l’est pas.
  4. Soigner des gens stressés, dépressifs et sollicitant beaucoup d’attention, côtoyer des collègues débordés voir agressifs, c’est notre lot de soignants, mais nous avons aussi nos difficultés de vie à gérer. Aussi pour pouvoir soigner nos patients, écouter nos collègues, offrir une qualité de soin, nous devons apprendre à prendre soin de nous et à nous écouter nous-mêmes.

Avec l’autre, via l’expression honnête de soi

Une fois que, via l’auto-empathie, on a clarifié ce qui se passe en soi, on choisit, en fonction du contexte, ce qu’on souhaite dire à la personne concernée.

L’honnêteté est la capacité d’exprimer ses sentiments et ses besoins à un interlocuteur sans le juger, l’agresser ou le critiquer.

Exemple : un médecin confie à un pharmacien clinicien la tâche d’aller annoncer à un patient que la chimiothérapie n’a pas apporté le résultat escompté.

Expression honnête en 4 étapes :

  • Observation : Docteur, quand vous me demandez d’aller annoncer cette mauvaise nouvelle à Monsieur X…
  • Sentiment : … je suis étonné(e)…
  • Besoin : … j’aimerais comprendre ce qui vous amène à me demander d’accomplir ce genre de tâches qui ne rentre pas dans mes prérogatives de pharmacien(ne).
  • Demande : seriez-vous d’accord qu’on en parle, afin d’ajuster vos demandes à ma réalité ?

Avec l’autre, via l’écoute empathique de celui-ci

Quand on reçoit une empathie sincère, cela remet notre bonne volonté en mouvement : en effet, si l’on montre à quelqu’un qu’on le comprend et qu’il se sent compris, quelque chose change et il s’ouvre plus aisément au dialogue.

Au plus quelqu’un est agressif ou tendu, au plus il a besoin d’empathie et au moins on a envie de lui en donner.

C’est quand quelqu’un reçoit de la compréhension pour ses propres positions qu’il aura tendance à s’ouvrir à celles des autres.

L’empathie, c’est la capacité d’un être humain à se mettre au diapason de ce que l’autre vit, à l’écouter sans nécessairement l’approuver et à avoir les mots justes qui lui montrent qu’on a une conscience de son vécu et qu’on accueille celui-ci sans jugement…

En d’autres termes, l’empathie est une qualité d’écoute et de présence à l’autre, à son vécu et à ses besoins, sans jugements et évaluations, sans intention de l’amener quelque part et sans souvenir du passé.

Exemple : un patient dit à son médecin : de toute façon je suis fichu, vos traitements ne sont que des saloperies et en plus ça ne marche pas, je me sens plus mal qu’avant !

Ecoute empathique en 4 étapes :

  • Observation : quand vous me dites que le traitement ne fonctionne pas…
  • Sentiments : êtes-vous découragé, en colère, inquiet ?
  • Besoins : parce que vous voulez vous soigner avec des choses saines pour le corps et qui, de surcroît, vous soulageront ? 
  • Demande : est-ce bien ça ?

Quelques citations à méditer

Il y a des mots qui peuvent guérir les maux.

Plus je suis pressé, plus il est urgent que je ralentisse. 

Tout le monde passe mieux ses caps difficiles si, tout simplement, les émotions sont reconnues et exprimées, sans accuser quiconque. 

Si quelqu’un se sent critiqué, l’on affaiblit notre capacité à résoudre un conflit ou à obtenir ce que l’on veut, et ce, même si notre critique est fondée.